Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/134

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put se soumettre franchement à descendre du rang où il s’était placé.

Il adressa donc à Boyer, dans la salle du Cabildo remplie de fonctionnaires, de citoyens et d’officiers de tous grades, un discours qu’il prononça en espagnol, bien qu’il parlât fort bien le français, non-seulement dans la pensée d’embarrasser le Président dans la réponse que celui-ci lui ferait, mais pour être mieux compris de ses anciens complices ou adhérens et de ses autres compatriotes. Il essaya d’abord de se disculper d’avoir adopté le pavillon colombien, en disant que ce n’était pas un signe d’adhésion particulière ni d’incorporation à la Colombie ; mais que c’était en vue d’honorer la mémoire de Colomb qui avait découvert l’Amérique. Ensuite, il prétendit qu’entre les populations des deux anciens territoires d’Haïti, la différence d’origine, de langage, de législation, de mœurs, d’habitudes, était une cause puissante pour s’opposer à leur réunion en un seul et même État, et que l’avenir se chargerait de prouver, par les faits, que cette assertion est fondée ; qu’il avait promis à ses compatriotes de leur procurer l’indépendance, et qu’il espérait qu’ils rendraient justice à ses intentions, si le résultat de son œuvre politique avait tourné autrement qu’il ne le désirait. Il termina enfin son discours, en manifestant l’espoir que le Président d’Haïti les défendrait et les protégerait de son bras puissant, afin de les rendre heureux, etc.[1].

Toutefois, Nunez promit fidélité à la République et à son gouvernement ; ensuite, il fit présenter au Président les clefs de Santo-Domingo sur un plat d’argent, en signe de la

  1. Le général Prévost fit publier, le 5 mars suivant, une lettre adressée aux habitans de l’Est, en réfutation du discours prononcé par Nunez de Cacérès : elle parut sur les nº 21 et 22 de la Concorde, au mois de juin.