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En conséquence, le Président ordonna au général Thomas Jean de faire réunir de suite la commission militaire, afin de juger Félix Darfour, sans désemparer ; et que des témoins y comparaîtraient pour déposer sur le contenu de la « pétition que l’indignation a fait disparaître. » Nous ignorons si, l’ayant reçue ensuite de la députation de la Chambre, le Président l’aura transmise à ce général pour être placée sous les yeux des juges ; mais cela est présumable.

La commission militaire procéda à ce jugement avec toute la célérité habituelle à un tel tribunal. L’accusé Félix Darfour se défendit lui-même ; il montra beaucoup décourage et ne chercha pas à présenter aucune excuse pour atténuer les assertions consignées dans sa pétition[1]. Enfin, il fut condamné à mort, à une heure avancée de la soirée. Le lendemain, 1er septembre, étant un dimanche, l’exécution de ce jugement n’eut lieu que le lundi 2, dans la matinée. À ce terrible moment, Darfour conserva tout son courage, en présence des troupes de la garnison et de la foule qu’un si triste spectacle attire toujours.

Comme on le voit, aucune des autres personnes arrêtées

    moires de 1843, il a dit : « J’avais entendu parler des menées de Darfour qui s’efforçait, disait-on (et je le crois), de susciter des divisions de couleur, en portant les uns à la méfiance contre les autres. On répétait qu’il avait un parti dans la Chambre des représentans et dans le Sénat, dont le but était de renverser l’ex-président. Je ne fis aucune attention à ces bruits, et je fus surpris le jour que j’appris que Darfour, ayant été à la Chambre des représentans, alors en séance, donner lecture d’une pétition véhémente contre le chef de l’État, en le dénonçant d’avoir vendu le pays aux blancs, venait d’être arrêté et conduit en prison, après avoir été sur le point de périr par l’exaspération de ceux qui l’avaient arrêté, et qu’il allait être jugé militairement. Plusieurs membres de la Chambre furent signalés comme impliqués dans le projet de Darfour, ainsi que des membres du Sénat : les uns furent éloignés pendant quelque temps de la capitale, et les autres donnèrent leur démission. » — Page 66.

  1. F. Darfour exerçait les fonctions de défenseur public, après avoir été commissionné arpenteur. Boyer lui avait donné ces charges où il pouvait gagner une existence honorable.