Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/305

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noire tout entière et Haïti en particulier. Il eut peut-être le tort d’y répondre, et de s’attirer par là des publications plus injurieuses.

Pendant ce temps, les navires américains arrivaient dans les ports d’Haïti, au Port-au-Prince principalement, chargés d’émigrans, hommes, femmes, vieillards, enfans, et de leurs misérables effets qu’ils n’avaient pas voulu abandonner en quittant les Etats-Unis. Rien n’était plus triste à voir que leurs vieux coffres, leurs vieilles malles, leurs haillons en laine, nécessaires pour le climat de leur lieu natal, mais inutiles pour celui d’Haïti.

C’était déjà un assez grand embarras que d’avoir à interner tous ces individus d’âge et de sexe différens, pour les placer dans les campagnes ; mais quand il fallait aussi y transporter leurs chétifs effets, plus ou moins lourds, l’embarras était plus grand ; en vain on leur disait de les délaisser.

Qu’on s’imagine ensuite l’impression produite sur l’esprit de ces infortunés, par la vue d’un pays nouveau si peu ressemblant à celui qu’ils venaient de quitter, d’une population dont ils ne comprenaient pas le langage, quoique de même couleur qu’eux, et sur la physionomie de laquelle ils apercevaient un sourire moqueur, excité par leur triste accoutrement, malgré toute la bienveillance qu’elle leur témoignait néanmoins !

La plupart des émigrans ayant été aux Etats-Unis, des barbiers, des savetiers, des décrotteurs, etc., n’entendaient pas fuir les villes d’Haïti pour se réfugier dans ses plaines, dans ses montagnes, et se livrer aux nobles travaux de l’agriculture ; aussi prirent-ils promptement en dégoùt cette émigration qu’ils avaient agréce d’abord, et un grand nom-