Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/390

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Si, dans les deux chambres françaises, cet acte fut violemment attaqué par bien des orateurs, du moins les rapporteurs des commissions qui y furent nommées pour l’examen de la loi de répartition de l’indemnité, s’attachèrent à justifier le roi de l’avoir rendu et les ministres de le lui avoir conseillé.

À la chambre des députés, M. Pardessus, jurisconsulte éminent et rapporteur, écrivit ces lignes : « Sa Majesté ne pouvait oublier que les habitans de Saint-Domingue (les Haïtiens) étaient ses sujets… Elle a rendu l’ordonnance du 17 avril 1825. Cette ordonnance n’a été et n’a pu être ce que, dans le langage usuel de la diplomatie, on appelle un traité. Un traité n’a lieu que d’égal à égal, c’est-à-dire, entre deux gouvernemens étrangers l’un à l’autre, indépendans l’un de l’autre. Telle n’était point la situation respective de la France et de Saint-Domingue, avant que l’ordonnance eût été portée, par ordre du roi, dans cette île… » Puis, détruisant lui-même ces argumens, il ajouta : « Les souverains d’Autriche au XIVe siècle, d’Espagne au XVIIe siècle, d’Angleterre au siècle dernier, n’ont-ils pas été forcés de reconnaître l’indépendance de leurs provinces insurgées ? Et si votre mémoire et votre attention se reportent sur les formes, vous croirez sans doute que celle de l’ordonnance du 17 avril était préférable ; qu’il était plus convenable, et pour la dignité de la couronne et pour l’honneur de la France, que le roi parlât en souverain aux habitans de Saint-Domingue, plutôt que de traiter avec eux d’égal à égal…[1] »

  1. Toutes ces idées émises par M. Pardessus n’étaient basées que sur les préjugés de couleur et de race ; car si les Haïtiens étaient les sujets du Roi de France, les Suisses étaient ceux des souverains d’Autriche, les Hollandais étaient ceux des rois d’Espagne, et les Américains des colonies anglaises étaient ceux des rois d’Anglelerre. Si ces provinces insur-