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pétitions concluaient toutes à demander « qu’aucune expédition militaire, qu’aucun appareil de forces maritimes, ne fussent dirigés contre Haïti, attendu que d’immenses capitaux étaient déjà engagés dans ce commerce, qui ne pourrait que prendre de nouveaux développemens par suite des derniers événemens politiques qui y étaient survenus[1]. »

Ces considérations et celles exposées par M. Esmangart étaient de nature à influer sur les déterminations du gouvernement. En janvier 1821, le duc de Richelieu présida un conseil privé où il appela le baron Pasquier, le baron Portai, et MM. de Villèle, Lainé, de Rayneval, Saint-Criq, Esmangart, F. de la Boulaye et Duvergier de Hauranne, pour émettre leurs avis sur les questions à résoudre. Ils furent d’opinion : « qu’il fallait rejeter tout projet d’expédition militaire, dans les vues de faire la conquête de l’ancienne colonie de la France, parce qu’il faudrait exterminer toute sa population résolue à défendre sa liberté et son sol ; ce qui serait cruel et sans objet, puisque ayant aboli la traite des noirs, la France ne pourrait la repeupler ; et qu’en outre, une telle expédition exigerait un secret impossible à garder, et des dépenses incalculables qui nécessiteraient un vote préalable des chambres, les ministres ne pouvant disposer d’aucune somme sans allocation ; — qu’il était aussi inutile et désavantageux de songer à bloquer les ports, parce que ce serait nuire au commerce français qui y prenait déjà du développement, 70 navires ayant été employés à ce commerce en 1820 ; que le blocus exigerait l’emploi de presque tous les navires de guerre de la

  1. N’avions-nous pas raison de dire, qu’en admettant le commerce français dans les ports de la République, Pétion en avait fait son auxiliaire le plus puissant pour plaider la cause de l’indépendance d’Haïti ?