Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/128

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extrêmement soulagée ; j’étais plus étonné qu’elle de l’effet de mon opiat. J’aurais bien mieux aimé que sa guérison n’eût pas été si prompte ; je comptais que, sous le prétexte de sa maladie, je viendrais plusieurs jours chez elle. Par bonheur, je n’eus pas besoin de cet expédient ; elle était si charmée du service que je lui avais rendu, que, lui ayant demandé la permission d’aller le lendemain chez elle pour savoir de ses nouvelles, elle me répondit que j’étais le maître toutes les fois que je voudrais lui faire cet honneur, qu’elle ne recevait point ordinairement de jeunes gens, mais que le caractère qu’elle m’avait connu m’exceptait de cette règle.

Ceux qui ont aimé véritablement jugeront quelle était ma joie dans ce moment ; je sus la contraindre, mais pas si bien que Sylvie ne s’en aperçût ; je crus même entrevoir que la permission que la mère me donnait ne lui faisait aucune peine. Je me retirai chez moi, pour ne penser qu’à Sylvie ; je me figurais qu’il m’était impossible de ne trouver pas un moment pour lui dire ce que je sentais, ayant le moyen de la voir dès que je voudrais, sans qu’elle fût obsédée d’une troupe d’importuns. Il est vrai que sa mère ne la quittait guère ;