Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le temps que j’avais été éloigné d’elle, lui donna plus de hardiesse. Avez-vous vu, me dit-elle, ce jeune abbé, qui parle à mademoiselle Sylvie ? Il me paraît qu’elle n’est pas fâchée de l’écouter. Je ne sais, lui dis-je, de quel abbé vous me parlez ; mais je puis assurer que, depuis que je suis ici, je n’ai vu qui que ce soit aller chez elle. Il faut donc, me dit-elle, qu’on lui ait donné son congé, depuis que vous êtes arrivé. Ce discours fait d’un air ingénu, fit couler dans mon cœur le poison le plus dangereux. J’avais ignoré jusqu’alors les maux que causait cette passion. Je sentis tout ce qu’elle peut inspirer de rage et de douleur. J’allai chez Sylvie : mon air triste en l’abordant l’étonna beaucoup ; elle m’en demanda la cause ; je la lm avouai naturellement. Est-il possible, me dit-elle, que vous croyiez de pareilles impostures  ? avez-vous vu jusqu’ici quelque chose qui ait pu vous faire soupçonner que je fusse capable d’une pareille conduite ? Ses larmes achevèrent de me convaincre, et la tranquillité rentra dans mon cœur pour quelques momens ; mais étant allé dans la loge de Sylvie, avant la comédie, j’y trouvai l’abbé dont on m’avait parlé. J’ai su depuis que,