Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/170

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On me mena dans une tour qui faisait la plus belle prison du monde, s’il peut y en avoir de telles. J’y trouvai un jeune colonel italien, nommé le comte Baratieri, qui avait été arrêté pour une affaire qu’il avait eue. Il y avait le neveu d’un grand d’Espagne, et le fils du commissaire ordonnateur de la Catalogne ; ces deux-ci étaient pour un cas semblable au mien. Ces messieurs me reçurent fort poliment ; ils parlaient tous français ; je leur contai mes aventures ; ils en parurent d’autant plus touchés, que mon sort approchait infiniment du leur : on peut juger de ce qui se passait dans mon cœur. Deux jours s’écoulèrent sans que je pusse avoir aucune nouvelle de Sylvie ; il y avait ordre de ne laisser parler aucun des prisonniers de la tour à qui que ce soit.

Cependant Sylvie envoya aux Mathurins pour savoir de mes nouvelles ; on ne saurait exprimer quel lut son désespoir, lorsqu’on lui apprit qu’il y avait deux jours que je n’avais point paru. Elle crut d’abord qu’ennuyé des longueurs et des fatigues que nous essuyions, je l’avais abandonnée : mais ensuite faisant réflexion sur mon caractère et combien il était éloigné d’une pareille perfidie, elle comprit