Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/176

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et mes promesses ! je restai immobile ; il me fut impossible de dire un seul mot. Crivelly eut l’attention, pour ne point augmenter ma peine, de sortir, et il me laissa seul avec mon commissaire de l’inquisition, qui était aussi stupéfait que moi. Je le priai de vouloir se charger d’une lettre pour elle, et de m’en apporter la réponse. Il s’acquitta de la commission ; mais la lettre de Sylvie ne fit qu’augmenter mon désespoir ; elle est si profondément gravée dans mon cœur, que je n’en oublierai jamais les termes.

Je viens de vous rendre à votre famille ; partez, et oubliez-moi, si cela peut vous rendre heureux. Je vais faire des vœux, qui m’attacheront pour le reste de ma vie dans le couvent où je suis, et me punir d’avoir donné trop facilement dans des idées qui m’ont plongée dans les plus grands malheurs. Adieu ; ne m’écrivez plus car je ne vous ferais point de réponse.

La lecture de cette lettre me rendit comme insensible pour un instant ; ensuite, revenant à moi-même, je compris que mes maux étaient de ceux que la mort seule peut finir. L’unique chose qui m’embarrassait était d’avoir du poison ; le désespoir m’en fit trouver. Je pilai du