Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/278

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vient vous êtes-vous levée sans lumière ? Je cherche par-tout un pot, et je n’en trouve point, dit-elle ; je viens pour me servir du vôtre. Elle s’approcha à tâtons du lit ; et, passant sa main dessous, peu s’en fallut qu’elle ne me la mît sur le visage ; heureusement elle attrapa ce qu’elle cherchait. Ninesina parlait à sa mère et lui faisait mille questions pour qu’elle ne m’entendit pas respirer. Après cette belle expédition elle se retira dans sa chambre, et je sortis de dessous le lit, bien résolu de ne me plus commettre à pareille aventure. Je ne voulus plus retourner les nuits chez Ninesina ; je me contentais de profiter des autres occasions que le sort m’offrait.

Six semaines de jouissance avaient fort abattu les fumées de mon amour ; une jeune Romaine dont je devins amoureux, acheva de les calmer ; elle logeait auprès de l’auberge où j’allais manger. Lorsque je sortais de diner, je m’amusais quelquefois à lui parler. Je pris du goût pour elle insensiblement ; et, quoiqu’elle n’en eût point pour moi, et qu’elle m’écoutât par simple coquetterie, je ne laissai pas de croire que je pourrais m’en faire aimer dans la suite.

Ninesina apprit des nouvelles de mon