Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/405

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sans, mauvais, obscurs et diffus, mais pourtant plus sensés, plus nets, plus intelligibles et moins en état de brouiller le jugement, que le docteur Scot et les autres docteurs subtils de l’école. Lisez Avicenne et Averroès, vous n’y trouverez rien qui approche du ridicule des à parte rei, ou à parte mentis. Que dirait un Turc, si, après dix ans d’étude, son maître ne lui avait rempli l’esprit que de mots bizarres de forme substantielle, d’argument in baroco, de syllogisme in baralipton ? Il jugerait de nous peut-être moins avantageusement que nous ne pensons de lui.

La poésie n’est pas inconnue chez ces peuples ; ils ont plusieurs poètes. À la vérité, ces écrivains ont le cerveau un peu échauffé, et leurs métaphores et leurs images sont excessivement hyperboliques. Il y a pourtant du beau et du bon dans leurs ouvrages.

Je connaissais un jeune poète turc, nommé Achmet Chelebi, qui parlait fort bien italien ; il m’a appris une chose assez particulière, et qui eût servi infiniment à madame Dacier dans ses disputes sur Homère. Comme nous parlions souvent des talens que demande la poésie, il me dit que la langue persane et l’arabe étaient une des choses des plus essentielles à la versifi-