Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pérance, seule consolation des malheureux, commence à me manquer. Vous n’êtes pas assez au fait des affaires pour vous faire une idée nette de tous les dangers qui menacent l’état ; je les sais et les cache ; je garde toutes les appréhensions pour moi, et je ne communique au public que les espérances ou le peu de bonnes nouvelles que je puis lui apprendre. Si le coup que je médite réussit, alors, mon cher marquis, il sera temps d’épancher sa joie ; mais jusque-là ne nous flattons pas, de crainte qu’une mauvaise nouvelle inattendue ne nous abatte trop.

» Je mène ici la vie d’un chartreux militaire j’ai beaucoup à penser à mes affaires, et le reste du temps je le donne aux lettres, qui sont ma consolation, comme elles faisaient celle du consul père de la patrie et de l’éloquence. Je ne sais si je survivrai à cette guerre ; mais je suis bien résolu, en cas que cela m’arrive, de passer le reste de mes jours dans la retraite au sein de la philosophie et de l’amitié.

» Dès que la correspondance sera plus libre, vous me ferez plaisir de m’écrire plus souvent ! je ne sais où nous passerons nos quartiers d’hiver ; nos maisons ont péri à Breslau