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CARION.

Un porteur de pareilles nouvelles se paye par le sacrifice d’une langue[1]. Mais pourquoi Jupiter veut-il nous traiter si mal ?

MERCURE.

Parce que vous avez fait la plus méchante de toutes les actions. Car depuis que Plutus n’est plus aveugle, qui que ce soit ne nous a offert un seul grain d’encens, pas une branche de laurier, pas un gâteau, pas une victime, enfin pas le moindre petit présent.

CARION.

Non, parbleu, et on ne vous en fera plus à l’avenir. Car lorsqu’on vous en faisait, vous nous laissiez là sans vous soucier de nous le moins du monde.

MERCURE.

Pour ce qui regarde tous les autres dieux, ce n’est nullement ce qui m’embarrasse, mais c’est que je meurs dejà de faim.

CARION.

Tu n’es pas sot.

MERCURE.

Avant que Plutus eût recouvré la vue, les cabaretières, tous les matins, dès la petite pointe du jour, me donnaient mille bonnes choses : du pain trempé dans du vin, du miel, des figues, enfin tout ce que Mercure mange volontiers. Maintenant, accablé de besoin, je reste étendu sur le dos les pieds en l’air.

  1. Il y a équivoque dans le grec, qui signifie : on coupe la langue à ou pour un tel messager ; de là résulte, et l’idée d’arracher la langue à un pareil messager, et l’idée de lui offrir la langue d’une victime, suivant l’usage qu’on avait d’offrir les langues à Mercure. (brottier.)