Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/204

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appellera donc proprement courageux celui qui ne redoute point une mort honorable, ni tous les périls qui peuvent à chaque instant y conduire, et tels sont surtout ceux que présente la guerre.

Et cependant, l’homme courageux, s’il est exempt de crainte sur mer et dans les maladies, ne l’est pas comme les gens de mer, car il désespère de sa vie, et s’indigne d’une telle mort ; au lieu que l’expérience des gens de mer soutient leur espoir. Les hommes ont aussi de la fermeté, toutes les fois que la valeur offre quelque ressource, ou lorsque la mort doit être glorieuse ; mais rien de tout cela n’a lieu dans les deux genres de dangers que je viens d’indiquer.

VII. Au reste, les sujets de terreur ou d’effroi ne sont pas les mêmes pour tous les hommes ; nous ne parlons donc ici que de ce qui est au-dessus de la force humaine, et que redoute nécessairement toute personne qui n’a pas perdu le sens. Quant aux périls qui sont proportionnés à l’homme, ils diffèrent en importance, en plus et en moins ; et il en est de même des motifs de confiance ou d’audace. Le vrai courage, quoiqu’il rende intrépide, n’empêche pas qu’on ne redoute de tels dangers, parce qu’on n’est qu’un homme, mais on les affrontera comme on le doit, et comme la raison le veut, par un sentiment d’honneur ; car telle est la fin de la vertu. On peut cependant être plus ou moins susceptible de les craindre, et même redouter comme graves des périls qui ne le sont pas. On pèche, en ce genre, en craignant ce qu’on ne doit pas crain-