Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/219

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La tempérance et l’intempérance ne se rapportent donc qu’aux plaisirs qui sont communs à l’homme et aux autres animaux ; et voilà pourquoi on les regarde comme des appétits serviles, et qui nous rapprochent de la bête. Ce sont proprement ceux du toucher et du goût : le goût même paraît n’y contribuer que peu, car il ne sert qu’à distinguer les saveurs, comme on le voit par ceux qui dégustent les vins, et qui assaisonnent les mets ; les débauchés n’y trouvent donc que peu ou point de plaisir, mais ils en trouvent dans la jouissance que leur procure le sens du toucher, en fait d’aliments ou de boissons, ou de ce qu’on appelle les plaisirs de l’amour. C’est pourquoi un certain Philoxène[1], fils d’Eryxis, grand mangeur, souhaitait d’avoir le cou plus long qu’une grue, voulant faire entendre que le plaisir qu’il prisait le plus était celui du toucher, genre de sensation qui est le plus étendu

    d’autres sensations ; mais ils ne les recherchent pas pour elles-mêmes. Nous en jouissons par elles-mêmes, lorsque le plaisir qu’elles nous font n’est pas l’effet de l’attente ou du souvenir… Ainsi les odeurs des fleurs nous plaisent par elles-mêmes. C’est pour cela que Stratonicus établissait une distinction assez ingénieuse entre les odeurs, en disant qu’il y en a qui sont belles, et d’autres qui sont agréables. » Aristote observe encore (Problem. 28, sect. 7), que les animaux ne sont accessibles au plaisir que par deux sens, le toucher et le goût, et que l’homme seul l’est par les trois autres sens. On peut voir ce passage cité et traduit par A. Gelle. (Noct. Attic. l. 19, c. 2.)

  1. Il est fait mention de ce Philoxène dans Plutarque (Symposiac. l. 4, Quæst. 4) ; dans Athénée (l. 6, p. 341) ; dans Ælien (Var. Histor. l. 10, c. 9), etc.