Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/229

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déterminer les motifs d’une juste colère, et surtout le degré que la raison approuve. Et ici encore on loue souvent comme indulgents ceux qui ne sont pas assez indignés de ce qui mériterait le plus leur colère, et on appelle quelquefois courageux ou généreux ceux qui dépassent la limite d’un juste ressentiment. — VI. On peut pécher, dans le commerce et dans les relations habituelles que l’on a avec les autres hommes, ou par un désir excessif de leur plaire, en louant tout et approuvant tout, ou, au contraire, par une humeur morose et difficile qui se manifeste en toute occasion, et qui ne craint jamais d’affliger ou de déplaire. Le juste milieu, en ce point, consiste évidemment à ne louer et à ne blâmer que les choses et les personnes qui méritent véritablement l’éloge ou le blâme. Ce caractère n’a point de nom qui le distingue proprement, mais il s’éloigne également de la molle complaisance, et de l’humeur farouche. — VII. L’homme sincère observe, pareillement, un juste milieu entre la jactance ou l’arrogance de celui qui s’attribue des avantages qu’il n’a pas, où qui veut faire croire ceux qu’il possède plus grands qu’ils ne sont, et la dissimulation de celui qui cache ses avantages, ou qui affecte de les croire moindres qu’ils ne sont. Le premier n’est digne que de mépris ; le second mérite quelquefois des éloges, par la grace aimable ou piquante qui se joint à sa dissimulation. Au reste, les motifs qui déterminent ces deux caractères peuvent les rendre plus ou moins blâmables. — VIII. Il y a encore, par rapport au commerce de la vie, et à la conversation des hommes entre eux, un milieu entre la bouffonnerie et la rusticité grossière : deux extrêmes, dont l’un pèche par excès, dans les choses qu’on peut se permettre de dire ou d’entendre, en fait de plaisanteries ; et l’autre pèche par défaut, dans celui qui n’est capable ni de dire ni d’entendre rien qui soit agréable ou plaisant. Le caractère de l’homme qui observe les convenances relatives aux personnes, et aux circonstances, dans les choses qu’on peut dire ou entendre, est donc dans ce milieu, qui n’a pas de nom, et qu’il est difficile de définir avec justesse. —IX. La pudeur, ou la modestie n’est pas proprement une vertu ; elle est plutôt une manière