Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/239

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généralement pour meilleur que l’avare, par les raisons que je viens de dire, et aussi parce qu’il rend service à beaucoup de gens, tandis que l’avare n’en rend à personne, et n’est pas même utile à lui-même.

Cependant, la plupart des prodigues finissent, comme je l’ai dit, par se procurer de l’argent par des moyens répréhensibles, et, en cela, ils deviennent des hommes illibéraux. Le désir de continuer leurs dépenses, et la difficulté d’y pourvoir, les rend avides, parce qu’ils ont bientôt dissipé leur fortune. Ils sont donc forcés de se procurer d’autres ressources ; et, comme ils ne se soucient guère de l’honneur, ils prennent de toutes parts et sans réflexion, parce qu’ils ne songent qu’à satisfaire leur penchant à donner, et qu’il leur importe peu de savoir comment et d’où ils s’en procureront les moyens. Voilà pourquoi leurs dons ne sont point l’effet d’une véritable libéralité ; car il n’y a rien d’honorable ni dans leurs motifs, ni dans la manière dont ils donnent. Souvent, au contraire, ils enrichissent des gens qu’il aurait fallu laisser dans la pauvreté, tandis qu’ils ne donnent rien à ceux qui ont des mœurs et un caractère estimables, et qu’ils prodiguent leur fortune à des flatteurs, ou à ceux qui leur procurent quelque autre genre de plaisirs. Aussi la plupart d’entre eux tombent-ils dans le vice et la débauche, parce qu’étant disposés à dépenser facilement leur argent, ils l’emploient aussi aux voluptés, et, faute de savoir vivre honorablement, ils finissent par donner dans tous les