Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/251

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est dépourvu de jugement ; et certes, nul homme vertueux ne saurait manquer de jugement.

Le caractère de la magnanimité est donc tel que nous venons de le dire ; car celui qui n’est capable que de choses peu considérables, et qui se juge lui-même tel, est sans doute un homme sensé, mais il n’est pas magnanime. Il en est de cette vertu comme de la beauté du corps ; elle suppose de la grandeur[1] ; et les hommes de petite taille peuvent être bien faits et bien proportionnés, mais ils ne sont pas beaux.

Quant à celui qui prétend à tout ce qu’il y a de grand, sans en être capable, ce n’est qu’un homme vain : cependant il n’y a pas toujours de la vanité à avoir des prétentions au-dessus de ce qu’on mérite. Mais c’est une petitesse d’âme que de ne prétendre qu’à ce qui est au-dessous de ce dont on est capable, soit dans les choses importantes, soit dans celles de moindre importance : ou si, n’ayant qu’un mérite tout-à-fait inférieur, on se croit encore au-dessous de ce qu’on vaut, surtout lorsqu’on semblerait digne de quelque chose de grand. Car que ferait-on si l’on n’avait pas ce degré de mérite ?

Le magnanime, quoiqu’il soit dans l’extrême par la grandeur, se trouve dans le juste milieu, en ce sens qu’il est ce qu’il doit être ; car il s’apprécie selon sa valeur. L’homme vain et celui qui n’a

  1. Voyez encore (Politic. l. 7, c. 4 ; et Poetic. c. 7).