Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/253

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et de grand en chaque genre de vertu, doit être son partage. Jamais il ne pourra s’abandonner honteusement à la fuite, ni commettre quelque acte injuste ; car pourquoi ferait-il quelque chose de honteux, lui aux yeux de qui rien n’est grand ? Si donc l’on considère attentivement la question sous toutes les faces, on trouvera qu’il est ridicule de penser qu’on puisse être magnanime, si l’on n’est pas homme de bien. Il est également impossible qu’on mérite d’être honoré, si l’on est bas et vil ; car l’honneur est le prix dé la vertu. il ne s’accorde qu’aux gens vertueux. On peut donc dire que la magnanimité est, en quelque sorte, l’ornement de toutes les vertus ; car elle leur donne plus de grandeur, et ne saurait exister sans elles. Aussi est-il très-difficile d’être véritablement magnanime ; car on ne saurait l’être sans réunir toutes les qualités qui font l’honnête homme.

La magnanimité étant surtout relative aux honneurs, ou au déshonneur, celui qui possède cette vertu ne sera que médiocrement sensible aux grands honneurs, même quand ils lui seront accordés par des gens de bien, parce qu’il lui semblera qu’ils lui appartiennent, ou même qu’il en mérite de plus grands. Car il n’y a presque point d’honneurs qui soient le digne prix d’une vertu parfaite. Toutefois il les acceptera, puisqu’on ne peut pas lui en accorder de plus grands ; mais il dédaignera ceux qui lui seraient offerts par les âmes vulgaires[1], ou

  1. Voyez Eudem. l. 3, c. 5.