Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/258

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L’homme d’un caractère magnanime est incapable de régler sa vie sur les désirs ou les volontés d’un autre, si ce n’est de son ami ; car il y a en cela quelque chose de servile. Aussi tous les flatteurs sont-ils de vils mercenaires, et les hommes d’un caractère servile et bas sont des flatteurs. Il n’est pas porté à l’admiration, car peu de choses ont une véritable grandeur à ses yeux. Il oublie volontiers les injures, car il n’y a guère de magnanimité à se ressouvenir surtout du mal : il vaut mieux n’en pas tenir compte. Il ne prend point part aux conversations frivoles[1], car il n’est enclin à parler ni de lui-même, ni des autres. Il se soucie peu, en effet, qu’on le loue, ou qu’on blâme les autres. Aussi n’est-il pas louangeur ; et il ne dit pas même du mal de ses ennemis, si ce n’est quand on l’a outragé. Il ne descendra jamais aux gémissements et aux prières pour des choses de peu d’importance, ou qui lui sont nécessaires ; car ce serait y attacher de l’intérêt. Il aimera mieux posséder ce qui a de la beauté et qui ne donne aucun profit, que ce qui est utile et profitable ; cela convient mieux à celui qui sait se suffire à soi-même. Il a de la lenteur dans les mouvements, un ton de voix

  1. Le mot ἀνθρωπολόγος, dont se sert ici Aristote, signifie proprement « celui qui discourt sur les hommes, » comme θεόλογος signifie celui qui disserte ou qui discourt des attributs de Dieu. Casaubon, dans ses Commentaires sur Suétone (In August. c. 74), citant cet endroit de notre auteur, entend par ἀνθρωπολόγος celui qui a la manie de louer tout le monde, qui multus est in hominum laudibus.