Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/275

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relatives, l’une à ce qu’on doit dire, et l’autre à ce qu’on doit entendre ; et par conséquent il y aura aussi, en ce genre, un excès et un défaut, par rapport au juste milieu. En effet, ceux qui portent jusqu’à l’excès la manie de plaisanter, sont généralement regardés comme des bouffons insupportables, qui ne cherchent que les occasions de faire rire les autres, et qui d’ailleurs ne s’inquiètent guère de dire des choses inconvenantes, ou propres à affliger celui qui est l’objet de leurs plaisanteries. Et, d’un autre côté, ceux qui ne savent jamais rien dire de plaisant, et qui s’irritent des moindres railleries, passent pour des hommes sauvages, et d’une humeur farouche ; au lieu qu’on appelle gens d’un commerce agréable et facile, ceux dont les plaisanteries n’ont jamais rien de choquant. Car il y a une sorte de souplesse et de flexibilité, qui caractérise les mœurs, comme il y en a une qui caractérise les mouvements du corps.

Cependant, comme il n’y a rien de si commun que la plaisanterie, et que la plupart des hommes aiment à railler plus qu’il ne faudrait, il arrive souvent que la bouffonnerie passe sous le nom d’humeur agréable et gaie, quoiqu’elle en diffère beaucoup, ainsi qu’on peut le voir par ce que nous venons de dire. Mais c’est dans un juste milieu en ce genre que consiste proprement le talent de la plaisanterie. L’homme qui a ce caractère, ne consent à dire ou à entendre que des choses qui ne sont contraires ni à la décence, ni à l’élévation et à la dignité d’une personne libre ; car il y a en