Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/311

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est le lot de celui qui la souffre, et l’extrême en plus, le partage de celui qui la commet. Telle est la manière dont j’ai cru devoir envisager la justice et l’injustice ; voilà ce que j’avais à dire sur la nature de l’une et de l’autre, et aussi sur le juste et l’injuste, en général.

VI. Cependant, comme il est possible qu’en commettant un acte d’injustice, on ne soit pas encore effectivement injuste, quels sont les délits qui, dans chaque genre d’injustice, font qu’un homme est effectivement injuste ? Par exemple, le filou, l’adultère, le voleur, sont-ils dans ce cas ? ou bien, n’y aura-t-il aucune différence[1] ? Car un homme pourrait avoir commerce avec une femme, sachant très-bien qui elle est, mais sans en avoir formé le dessein, et uniquement entraîné par la passion. Il commet un acte injuste sans doute ; mais il n’est pas effectivement injuste : de même, il n’est pas voleur, mais il a volé ; ni adultère, mais il a commis un adultère, et ainsi des autres genres de délit.

J’ai dit précédemment ce qu’est la réciprocité d’action par rapport au droit ; mais il ne faut pas perdre de vue que ce que nous cherchons ici, c’est le juste en soi, ou proprement dit, et le juste par rapport à la société civile ; c’est-à-dire pour des

  1. L’un des interprètes de ce traité, soupçonnant que le texte peut avoir été altéré, dans cet endroit, complète ainsi la pensée de l’auteur : « Ou bien, dira-t-on qu’il y a une différence réelle, quand on a égard aux motifs ? »