Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/328

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par là que la chose est mieux ainsi. Et, d’un autre côté, à ne consulter que la raison, si ce qui est équitable est quelque chose qui s’écarte de la justice, il semble assez étrange qu’on lui donne son approbation. Car, enfin, ou le juste n’est pas conforme à la vertu, ou ce qui est équitable n’est pas juste (s’il est autre chose) ; ou bien, si l’un et l’autre sont conformes à la vertu, ils ne sont qu’une même chose. Voilà précisément ce qui fait naître le doute et l’embarras au sujet de ce qu’on appelle équitable. Cependant ces expressions sont toutes exactes sous un certain point de vue, et n’ont rien de contradictoire. Car ce qui est équitable, étant préférable à une chose juste d’une certaine espèce, est assurément juste ; et, puisqu’il n’est pas une espèce autre ou entièrement différente du juste, il est préférable au juste. Le juste et l’équitable sont donc [en ce sens] une même chose, et comme l’un et l’autre sont conformes à la vertu, l’équitable mérite la préférence.

Mais ce qui fait la difficulté, c’est que l’équitable, bien qu’il soit juste, n’est pas exactement conforme à la loi, mais il est plutôt une modification avantageuse du juste qui est rigoureusement légal. Cela vient de ce que toute loi est générale[1], et qu’il y a des cas sur lesquels il n’est pas possible de prononcer généralement avec une parfaite justesse. Et, par conséquent, dans les choses sur lesquelles la loi est obligée de s’expliquer d’une manière gé-

  1. Voyez la Politique (l. 3, c. 10 ; § 4).