Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/390

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établie, et qu’en même temps on peut dire que tout ce qui est doux est agréable, que telle substance, actuellement présente, est douce, et que cette opinion agit avec force : si par hasard le désir s’y trouve joint, [alors] l’opinion générale invite à s’éloigner de cet objet, mais le désir porte vers lui. Car chaque partie peut avoir sa force impulsive, ou son principe de mouvement ; en sorte qu’on est dans le cas de se livrer à l’intempérance par l’effet de la raison, et par celui d’une opinion qui n’est pas précisément contradictoire en elle-même, mais par accident. En effet, c’est le désir, et non pas l’opinion, qui est contraire à la droite raison ; et c’est pour cela que les animaux ne peuvent pas être intempérants : car ils n’ont point de conceptions générales ; ils n’ont que la perception et la mémoire des choses particulières.

Mais, comment se dissipe cette ignorance, et comment l’intempérant recouvre-t-il, pour ainsi dire, la science ? Cela s’explique de la même manière que dans le cas de l’homme endormi, ou dans un état d’ivresse ; il n’y a rien là qui soit exclusivement propre à l’intempérance, et ce sont les naturalistes qu’il faut entendre sur ce sujet. Toutefois, comme la proposition particulière énonce le jugement de ce qui est senti, et détermine, en quelque sorte, les actions, celui qui est dans l’accès de la passion, ou ne l’aperçoit pas, ou l’aperçoit de telle manière qu’on ne saurait dire qu’il sache précisément ce qu’elle signifie, en sorte qu’il en parle comme un homme ivre récite les vers ou la doctrine