Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont relatives aux désirs et aux plaisirs des sens. Mais il est bon de constater les différences qui s’y trouvent ; car, comme on l’a dit en commençant, il y a de ces plaisirs qui, par leur espèce et leur degré, sont propres à la nature humaine : il y en a d’autres qui n’appartiennent qu’à la nature animale, ou qui n’ont lieu que par l’effet d’un désordre dans l’organisation, ou d’un état maladif. Or, c’est aux premiers que se rapportent la sobriété et l’intempérance. Voilà pourquoi nous ne disons point, en parlant des animaux, qu’ils sont tempérants ou intempérants, si ce n’est par métaphore, ou pour marquer quelque différence notable entre une espèce d’animaux et une autre, sous le rapport de l’incontinence, de la lasciveté, ou de la voracité : car il n’y a en eux ni délibération, ni raisonnement, mais quelquefois aberration de l’instinct naturel, comme chez les hommes en démence. Au reste, la brutalité est un moindre mal que le vice ou la méchanceté, quoiqu’elle semble plus effrayante ; car elle n’est pas, comme dans l’homme, la dépravation de ce qu’il y a de plus excellent, elle en est l’absence. C’est donc comme si, en comparant l’être animé à l’être inanimé, on demandait qui des deux est plus méchant ou plus vicieux : car sans doute les mauvaises qualités sont moins nuisibles dans ce qui n’a pas en soi un principe qui le dirige ; or, l’intelligence, ou la raison, est un tel principe. C’est donc à peu près comparer l’injustice avec l’homme injuste. Il est possible qu’à certains égards, l’un soit pire que l’autre ; car l’homme injuste peut