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LIVRE VII, CHAP XI.

nous disons qu’une chose est bonne ou mauvaise absolument. Il est même nécessaire d’entrer dans ces considérations, puisque nous avons regardé le plaisir et la peine comme les fondements du vice et de la vertu morale, et puisque la plupart des hommes prétendent que le bonheur est toujours accompagné de plaisir, et que c’est de cette circonstance qu’il tire le nom par lequel on le désigne dans la langue grecque[1].

Or, suivant les uns, il n’y a point de plaisir qui soit un bien, ni par lui-même, ni par circonstance : car ils prétendent que bien et plaisir ne sont pas la même chose. Suivant d’autres, quelques plaisirs sont des biens ; mais la plupart des plaisirs sont nuisibles. Enfin, il y a une troisième opinion, suivant laquelle, en supposant que tous les plaisirs fussent des biens, il est néanmoins impossible que le plaisir soit le bien suprême, ou le souverain bien. Et d’abord, le plaisir, en général, n’est pas un bien, parce que tout plaisir est une généra-

  1. Μακάριος (heureux) est composé, suivant Aristote, des deux mots μάλα χαίρειν, en latin valde gaudere « avoir beaucoup de joie ». L’auteur de l’ancien lexique grec intitulé Etymologicum magnum, voit dans le même mot μακάριος les mots μὴ κηρὶ (sous-ent. ὐποκείμενος ), c’est-à-dire, « qui n’est pas sujet à la mort, ou à la destruction ». Mr  Coray suppose que ce mot n’est pas d’origine grecque. En général, les anciens écrivains, comme Platon, Euripide, Aristote, etc., et, chez les Romains, Varron et Cicéron lui-même, ont hasardé plusieurs étymologies fort douteuses, ou même tout-à-fait ridicules : ce genre de critique n’avait fait, de leur temps, que très-peu de progrès.