Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/429

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mal, c’est le bien. Dira-t-on que les plaisirs nécessaires sont des biens, en ce sens que ce qui n’est pas un mal est un bien ; ou dira-t-on qu’ils ne sont bons que jusqu’à un certain point ? En effet, en tout genre d’habitudes et de tendances, où il n’y a pas excès dans le bien, il ne saurait y avoir excès de plaisir ; et, au contraire, il y aura excès de plaisir partout où se trouvera l’excès du bien ; et l’on est vicieux, quand on recherche l’excès dans le plaisir, et non pas quand on se contente de ce qui est nécessaire : car tous les hommes sont plus ou moins sensibles aux plaisirs de la table et à ceux de l’amour ; mais tous ne le sont pas seulement autant qu’il faudrait l’être. Cependant, c’est tout le contraire, quand il s’agit des peines ; on n’y fuit pas l’excès, on les évite absolument, parce que la douleur n’est le contraire de l’excès du plaisir que pour celui qui cherche cet excès[1]. Mais il ne suffit pas de dire la vérité ; il faut encore faire connaître la cause de l’erreur. Cette connaissance sert à confirmer notre croyance à ce qui est véritable : car, lorsqu’une chose qui ne l’est pas, semble pourtant avoir quelque apparence de raison, on y croit quelquefois plus qu’à la vérité elle-même. Il faut donc dire

  1. « Les peines opposées aux plaisirs excessifs, auxquels se livre le débauché, ne sont pas excessives : elles sont même médiocres, et telles qu’un homme sage ne s’en inquiéterait guère, parce que ce ne sont pas proprement des peines. Mais celui qui ne cherche que l’excès dans les plaisirs, trouve réellement pénible de n’en avoir que de modérés, et de conformes à la raison. » (Paraphr.)