Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/438

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est privé d’amis, plus on possède de biens, moins on peut en jouir avec sécurité ?

D’un autre côté, si l’on est dans l’indigence, ou dans l’infortune de quelque espèce que ce soit, on ne croit avoir de refuge que le sein de l’amitié. Jeune, elle vous garantit des fautes où l’inexpérience peut vous faire tomber ; vieux, elle vous prodigue ses soins, et vous offre son secours pour l’accomplissement des actions ou des desseins que les infirmités de l’âge vous rendraient impossibles : enfin, s’agit-il de méditer et d’exécuter les actions d’éclat qui n’appartiennent qu’à la force et à la vigueur de l’âge mûr, deux hommes qui marchent unis [comme dit Homère], en sont plus capables[1].

La nature elle-même semble avoir mis ce sentiment dans le cœur du père, pour l’être auquel il a donné la vie ; on l’observe non-seulement dans l’homme, mais dans les oiseaux et dans la plupart des animaux, dans les êtres qui appartiennent aux mêmes espèces, à l’égard les uns des autres, et surtout dans les individus de l’espèce humaine ; et c’est pour cela que nous louons ceux qui méritent le nom de philanthropes. Quiconque a voyagé, a pu s’en convaincre, et reconnaître combien l’homme est ami de l’homme, combien la société de son semblable lui convient et le charme.

L’amitié semble être le lien qui unit les cités, et les législateurs semblent y avoir attaché plus d’im-

  1. Voy. l’ Iliade, ch. X, vs. 224.