Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/451

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le double motif de l’utilité et de l’agrément, parce que les choses qui dépendent du hasard des circonstances, ne se trouvent pas aisément ainsi unies deux à la fois.

D’après la distinction que nous venons d’établir entre les espèces d’amitiés, les hommes de peu de valeur seront unis par des motifs d’utilité ou d’intérêt, attendu qu’ils se ressemblent sous ce rapport : mais les hommes vertueux s’aimeront pour eux-mêmes, car c’est en cela qu’ils sont vertueux. Ceux-là seront donc amis dans un sens absolu, [et unis par une amitié parfaite ; ] au lieu que les autres ne le seront que par l’effet des circonstances et par l’espèce de ressemblance qu’ils ont avec les vrais amis.

V. On dit qu’entre les hommes, en les considérant par rapport à la vertu, les uns sont vertueux par habitude, parce que telle est leur disposition naturelle ou leur manière d’être ; tandis que d’autres se montrent tels par leurs actes ou par leur manière d’agir. Or, il en est de même au sujet de l’amitié. Car les uns mettent leur bonheur à vivre avec leurs amis et à leur faire du bien : d’autres sont disposés à agir ainsi, quoiqu’ils ne le fassent pas ; mais telle est leur inclination habituelle, même pendant leur sommeil, même quand ils sont séparés de leurs amis par l’éloignement des lieux ; car cet éloignement ne rompt pas absolument l’amitié, mais il en interrompt les effets et les actes. Cependant, une longue absence semble au moins la faire oublier ; d’où est venu le proverbe : « Souvent