Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/456

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l’agrément serait joint à la vertu[1], ni ceux qu’il serait utile d’employer à de nobles et grandes entreprises, Mais, pour l’agrément, qu’ils désirent principalement, ils préfèrent ceux qui sont complaisants et officieux ; et ils ne cherchent [dans ceux qui sont utiles] que le talent d’exécuter les ordres qu’on leur donne ; et ces deux qualités ne se trouvent guère dans la même personne. Celui qui les réunit est, comme on l’a déjà dit, un homme vertueux ; mais l’homme élevé au pouvoir n’a pas ordinairement de tels amis, à moins qu’il ne consente à se voir surpassé en vertu. Car, s’il ne consent pas à cette supériorité proportionnelle, il n’admet pas ou ne rétablit pas l’égalité. Mais il est bien rare de rencontrer de tels hommes.

C’est donc l’égalité qui est le lien principal des différentes espèces d’amitiés que nous venons de décrire ; car alors les amis trouvent l’un dans l’autre les mêmes qualités ou les mêmes avantages ; ils ont les mêmes sentiments de bienveillance l’un pour l’autre, ou au moins il se fait entre eux un échange de divers avantages, par exemple, d’agrément ou de plaisir, en retour de l’utilité. Mais j’ai déjà dit aussi que ces sortes d’amitiés ont moins de force et de constance.

  1. « Non-seulement la fortune elle-même est aveugle (dit Cicéron), mais elle rend ordinairement aveugles ceux qu’elle a comblés de ses faveurs. » Non enim solum ipsa fortuna cæca est, sed eos etiam plerumque efficit cæcos, quos complexa est. (Cic. De Amicit. c. 15.)