Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/461

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plutôt qu’ils ne veulent aimer les autres. Aussi accueille-t-on généralement les flatteurs ; car un flatteur est, pour ainsi dire, un ami subalterne, ou du moins il affecte l’infériorité ; il semble se contenter d’aimer plutôt qu’aspirer à être aimé : or, l’amitié qu’on inspire ressemble assez à l’estime et à la considération, sentiments dont la plupart des hommes sont avides. Au reste, ce n’est qu’à cause des accessoires, et par occasion, que l’on paraît ambitionner la considération, ce n’est pas directement et pour elle-même : car la plupart des hommes aiment à être considérés par ceux qui sont élevés en dignité, dans l’espoir qu’ils en obtiendront, au besoin, faveur et protection. C’est donc parce qu’elles sont les signes de cette faveur que l’on est communément flatté des marques d’honneur ou de considération qu’on obtient.

Quant à ceux qui désirent d’obtenir l’estime des gens de bien et des justes appréciateurs du mérite, c’est surtout le désir de voir confirmer par là l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes, qui leur inspire ce sentiment. Ils sont donc flattés de se reconnaître pour des gens vertueux, se fondant, en cela, sur le jugement de ceux qui leur rendent ce témoignage ; et ce qui les charme surtout, c’est le plaisir d’être aimés. D’où l’on pourrait conclure que l’amitié est préférable même à la considération, et que, quand elle est fondée sur la vertu, elle est désirable pour elle-même.

Au reste, il semble qu’elle consiste à aimer plutôt qu’à être aimé ; et ce qui le prouve, c’est