Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/524

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dans une continuelle activité, au lieu que cela est plus facile quand on s’associe à quelques autres personnes, et qu’on agit pour les autres. L’activité, qui a déjà des charmes par elle-même, sera donc plus continue, comme elle doit l’être pour le parfait bonheur. Car l’homme de bien, par cela seul qu’il est vertueux, se plaît aux actes conformes à la vertu, et s’indigne de ceux qui y sont contraires : comme le musicien trouve du plaisir à entendre une belle mélodie, et souffre une peine réelle, quand il en entend une mauvaise. D’ailleurs, vivre avec des gens vertueux est une occasion de s’exercer à la vertu, comme dit Théognis[1] ; et, à considérer la chose sous le point de vue le plus naturel, il semble que l’honnête homme est naturellement celui que préfère un homme également vertueux. Car ce qui est bon par sa nature est, comme on l’a déjà dit[2], bon à l’homme vertueux, et est agréable par soi-même. D’un autre côté, la faculté de sentir constitue à elle seule la vie des animaux, au lieu que celle des hommes se compose du sentiment et de la pensée : or, la faculté se réduit en actes ; l’activité est donc essentielle [à l’homme], et par conséquent

  1. Allusion à deux vers de Théognis (Sentent. vs. 55, 56) dont le sens est : « Tu apprendras des gens de bien ce qui est honnête et vertueux ; mais si tu entres dans la société des méchants, tu perdras tout sens et toute raison. » Cette maxime était, pour ainsi dire, devenue proverbe chez les anciens ; Xénophon, Platon et Aristote la citent plusieurs fois.
  2. Dans le premier livre, chapitre viii.