Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/531

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un charme, aussi-bien dans la bonne que dans la mauvaise fortune : car ils allégent nos chagrins, en les partageant ; et c’est pour cela qu’on ne saurait dire si c’est comme un fardeau dont ils nous allégent, en le supportant en partie avec nous, ou bien, si le plaisir que nous fait leur présence, et la pensée qu’ils s’affligent avec nous, rendent nos peines moins vives. Nous ne chercherons point, quant à présent, à expliquer la cause du soulagement qu’on éprouve en pareil cas, et s’il y en a quelque autre que celles que nous venons d’indiquer[1] : toujours l’effet que nous avons dit semble-t-il avoir ordinairement lieu. La présence d’un ami paraît même réunir en soi ces causes diverses ; sa seule vue a d’abord quelque chose de doux, surtout pour l’infortuné[2] ; elle est, en quelque manière, une assistance contre l’affliction : car un ami, pour peu qu’il ait d’adresse et de délicatesse, trouve l’art de consoler par son seul aspect et par ses discours, ayant la connaissance du caractère de

  1. Peut-être Aristote avait-il en vue l’opinion de Socrate, qui nous est rapportée par Xénophon (Memorab. Socrat. l. 2, c. 7, § 1)dans des termes à peu près pareils, et où l’amitié est représentée comme propre à soulager un infortuné du poids de sa douleur, et en alléger le fardeau, en le partageant.
  2. Il semble qu’Aristote eût présents à la pensée des vers de l’Ion d’Euripide (vs. 730), dont le sens est : « Il est doux de goûter le bonheur avec ses amis : mais s’il nous survient quelque infortune (ce qu’aux dieux ne plaise !)quel charme ne trouve-t-on pas à attacher ses regards sur ceux d’un être bienveillant ? »