Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/559

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chaque animal en particulier : car le plaisir du cheval n’est pas le même que celui du chien, ou de l’homme, comme le remarque Héraclite, lorsqu’il dit que « L’âne préfère l’herbe rude et grossière à l’or », parce qu’en effet, le foin [ou les chardons] plaisent plus à cet animal que l’or. Ainsi donc il y a différence spécifique de plaisirs pour les animaux d’espèces différentes, et l’on a tout lieu de croire que, pour les mêmes espèces d’animaux, les plaisirs sont aussi les mêmes.

Mais il n’en est pas ainsi, à beaucoup près, pour l’espèce humaine : les mêmes objets y plaisent aux uns, et y déplaisent aux autres ; ils sont odieux et insupportables à ceux-ci, aimables et pleins de charmes pour ceux-là. Cela a lieu même pour les saveurs sucrées ; car elles ne produisent pas la même impression sur l’homme malade et sur celui qui est en bonne santé ; une température chaude, pour un homme faible et débile, ne l’est pas également pour celui qui est fort et vigoureux ; et l’on peut appliquer la même observation à beaucoup d’autres choses.

Mais le vrai, le réel, semble devoir être, en général, ce qui paraît tel à l’homme sage et vertueux ; et, si cette assertion, est fondée (comme elle le semble, et comme elle l’est en effet), la vertu et l’homme de bien, en tant qu’il est tel, devront être comme la mesure de la réalité en tout genre[1].

  1. Voyez plus haut (l. 9, c. 4, et l. 3, c. 4). C’était (mais