Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/568

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est évident que c’est une tout autre espèce de bonheur.

Si donc, entre les actions qui sont conformes à la vertu, celles d’un homme livré aux travaux de l’administration et de la guerre, l’emportent par leur éclat et par leur importance, mais ne laissent aucun moment de loisir, tendent toujours à quelque but, et ne sont nullement préférables par elles-mêmes, tandis que l’activité de l’esprit, qui semble être d’une nature plus noble, étant purement contemplative, n’ayant d’autre fin qu’elle-même, et portant avec soi une volupté qui lui est propre, donne plus d’énergie [à nos facultés] ; si la condition de se suffire à soi-même, un loisir exempt de toute fatigue corporelle (autant que le comporte la nature de l’homme), et tous les autres avantages qui caractérisent la félicité parfaite, sont le partage de ce genre d’activité : il s’ensuit que c’est elle qui est réellement le bonheur de l’homme, quand elle a rempli toute la durée de sa vie ; car rien d’imparfait ne peut être compté parmi les éléments ou conditions du bonheur.

Cependant, une telle vie serait au-dessus de la condition humaine ; car ce n’est pas comme homme qu’on pourrait vivre ainsi, mais comme ayant en soi quelque chose de divin ; et autant ce principe est supérieur à ce qui est composé [d’un corps et d’une âme], autant l’opération [qui lui appartient exclusivement] est au-dessus de celles qui dépendent des facultés d’un autre ordre. Or, si l’esprit est quelque chose de divin par rapport à l’homme,