Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/585

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vernement ou de l’administration que l’on pourrait regarder comme exerçant cette profession, au moyen d’une certaine faculté dont ils sont doués, et par expérience, plutôt que par un système de réflexions suivies. Car on ne les voit ni écrire ni discourir sur ce sujet, quoiqu’il y eût peut-être plus d’honneur à le faire qu’à prononcer des harangues, soit devant les tribunaux, soit devant le peuple.

On ne voit pas non plus qu’ils aient rendu leurs propres enfants, ou d’autres personnes pour qui ils avaient de l’affection, des politiques habiles. Il est pourtant probable qu’ils l’auraient fait, s’ils l’avaient pu faire, puisqu’ils n’auraient pu laisser, après eux, rien qui fût plus utile à leur patrie, et que, prisant la possession d’une pareille puissance plus que tout au monde, il n’y a rien, par conséquent, qu’ils eussent autant souhaité de transmettre aux personnes qui leur étaient le plus chères[1]. Au reste, l’expérience ne contribue pas peu à ce genre de talent : sans cela, l’habitude de diriger les affaires publiques ne les aurait pas rendus de plus profonds politiques ; et voilà pourquoi l’expérience semble être absolument nécessaire à ceux qui désirent s’instruire dans la science du gouvernement.

Quant aux sophistes qui font profession de cette

  1. La même observation se trouve dans plusieurs des dialogues de Platon, qui cite, à ce sujet, les exemples de Thémistocle, d’Aristide, de Périclès et de Thucydide. Voyez Platon. Meno. p. 93 ; Protagor. p. 319, etc.