Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/249

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Si tel n’est pas le cas, il y a aussi celui où un homme, inférieur par un côté quelconque, lutterait contre un autre homme qui, par ce côté, lui serait supérieur, comme, par exemple, un musicien contre un homme juste ; car la justice est supérieure à la musique. Ainsi donc, contre quelles sortes de personnes et pour quels motifs nous éprouvons de l’indignation, on le voit clairement par ce qui précède ; car tels sont les motifs, ainsi que d’autres analogues.

XII. On est disposé à s’indigner (d’abord) dans le cas où l’on vient à mériter les plus grands biens et à les acquérir, car prétendre à des avantages semblables, quand on ne se trouve pas dans des conditions morales semblables, ce ne serait plus de la justice.

XIII. En second lieu, dans le cas où l’on est honnête et homme de valeur ; car, dans ce cas, on juge sainement et l’on hait l’injustice.

XIV. De même, si l’on a de l’ambition et un vif désir d’accomplir certaines actions et, surtout, si notre ambition a pour objectif tel avantage dont les autres seraient précisément indignes.

XV. En un mot, et d’une manière générale, ceux qui prétendent mériter telle chose dont ils ne jugent pas les autres dignes sont enclins à s’indigner contre ceux-ci, et à l’occasion de cette même chose. Voilà pourquoi les caractères serviles, sans valeur et sans ambition, ne sont pas susceptibles de s’indigner : il n’est rien dont ils se puissent croire eux-mêmes être dignes.

XVI. On voit aisément, d’après cela, dans quelles circonstances la malchance, les échecs, le manque de réussite des autres doivent nécessairement nous réjouir ou, du moins, nous laisser indifférents. Les explications