Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/258

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IX. Ils sont plus braves (qu’on ne l’est à un autre âge). car ils sont prompts à s’emporter et ont bon espoir ; le premier de ces traits de caractère fait que l’un n’a pas peur, et le second donne de l’assurance. En effet, on n’a jamais peur quand on est en colère, et l’espoir d’obtenir un bien rend téméraire.

X. Ils ont de la retenue, car ils ne supposent pas encore qu’il y a d’autres choses belles en dehors de ce qui leur a été enseigné par la loi[1].

XI. Ils ont l’âme élevée, parce qu’ils n’ont pas encore été rabaissés par la pratique de la vie et qu’ils n’ont pas subi l’épreuve du besoin. De plus, rien n’élève l’âme comme de se croire digne de grandes choses ; or cette opinion est propre à celui qui a bon espoir.

XII. Ils se déterminent plutôt par le beau côté d’une action que par son utilité. Ils se conduisent plutôt d’après leur caractère moral[2] que d’après le calcul ; or le calcul tient à l’intérêt, et la vertu à ce qui est beau.

XIII. Ils ont le goût de l’amitié et de la camaraderie plus que les autres âges, parce qu’ils se plaisent à la vie commune et que rien n’est encore apprécié par eux au point de vue de l’intérêt ; par conséquent, leurs amis non plus.

XIV. Leurs fautes proviennent toujours de ce qu’ils font plus et avec plus de véhémence qu’il ne convient, en dépit du précepte de Chilon [3], car ils exagèrent tout, l’amitié comme la haine, et tous les autres sentiments de même. Ils croient tout savoir et tranchent sur toutes choses. De là vient leur exagération en tout.

  1. Voir le serment des éphèbes (A. Dumont, Éphébie attique, t. 1er , p. 9 ).
  2. Nous lisons ἦθος au lieu de ἔθος. La confusion de ces deux leçons est fréquente dans les manuscrits. Cp. chap. suiv., § 14.
  3. Μηδὲν ἄγαν, rien de trop.