Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/307

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Il est juste, lorsqu’une femme a fait périr son époux, qu’elle meure à son tour,
et que, du moins, le fils venge son père.

Voilà donc ce que l’on a fait ; car, si l’on réunit les deux idées, peut-être ne seront-elles plus justes[1]. Et ce serait en outre un enthymème par ellipse, car on a supprimé l’auteur de l’acte.

IV. Un autre lieu, c’est d’établir ou de renverser un argument par l’exagération. C’est ce qui arrive lorsque, sans avoir démontré que telle action a été accomplie, on insiste sur sa gravité ; car il se produit alors cet effet que le prévenu paraît ou ne pas avoir accompli cette action, lorsqu’il est le premier à la grossir, ou l’avoir accomplie, lorsque c’est l’accusateur qui en témoigne de l’indignation. Il n’y a donc pas là d’enthymème, car l’auditeur raisonne à faux sur l’existence ou la non-existence du fait en question, qui ne lui est pas démontré.

V. Un autre lieu se tire du signe ; car celui-ci ne se prête pas au syllogisme. Par exemple, si l’on dit : « Les hommes qui s’aiment entre eux sont utiles à leur pays ; car l’amour d’Harmodius et d’Aristogiton causa la perte du tyran Hipparque[2]. » Et encore si l’on dit : « Denys est un voleur, car il est vicieux. » Voilà encore qui n’est pas un syllogisme, car tout homme vicieux n’est pas un voleur.

VI. Un autre s’obtient au moyen d’un fait accidentel ; exemple, ce que dit Polycrate sur les souris : qu’elles furent d’un certain secours en rongeant les cordes (des

  1. Peut-être n’est-il pas juste que la main qui venge un père frappe la femme qui a tué son époux.
  2. Cp., dans Platon, Banquet, p. 388, un passage auquel Aristote fait évidemment allusion ici. Voir, dans Spengel, d’autres rapprochements à la suite de celui-ci.