Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/340

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VIII. L’opportunité ou l’inopportunité dans l’application est un fait commun à tous ces artifices.

IX. Or il est un remède rebattu pour corriger avant (l’auditeur) n’importe quelle exagération[1] c’est de se (la) reprocher à soi-même, car il semble alors que l’orateur est dans le vrai, du moment qu’il n’ignore pas ce qu’il fait.

X. De plus, ne pas employer en même temps tous les procédés qui sont en corrélation, car c’est un moyen de donner le change à l’auditeur. J’entends par là qu’il ne faut point, si les expressions sont dures, prendre une voix et un visage à l’avenant[2]. Sinon, chaque démonstration apparaît telle qu’elle est : mais, si l’on tait l’une de ces choses et non pas l’autre sans le laisser voir, l’effet sera le même. Si, par conséquent, l’on exprime les choses douces en termes durs et les choses dures en termes doux, le discours apportera la conviction [3].

XI. Les épithètes, les mots composés pour la plupart, et surtout les mots étrangers sont ceux qui conviennent à celui qui parle le langage de la passion. On excuse un homme en colère de dire un malheur « grand comme le ciel[4] » ou « colossal » ; de même lorsqu’il est déjà en possession de son auditoire, et qu’il l’aura enthousiasmé par des louanges, ou des reproches, ou par la colère, ou par l’affection. C’est ainsi qu’Isocrate par exemple à la fin du Panégyrique,

  1. Exemple dans Isocrate, Panathenaic., chap. LXXXIV. Cp. Quintilien, De Inst. orat., VIII, 3. Nous lisons comme lui προεπιπλήσσειν. Nous disons de même : aller au-devant d’une objection.
  2. On voit que nous adoptons la lecture de Vahlen, qui supprime καὶ.
  3. Nous corrigeons comme M. Thurot, ἀπίθανον en πιθανον.
  4. Οὐρανόμηκες. Ce mot est dans Isocrate (Antidosis, § 134).