Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/387

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bravoure ; ou bien « il a fait ceci, il a fait cela, ce qui, certes, a telle ou telle importance… »

XII. Ainsi donc, quand on dispose d’arguments démonstratifs, il faut encore parler au point de vue des mœurs, et démonstrativement ; mais, si tu n’as pas d’enthymèmes à ta disposition, parler (surtout), au point de vue des mœurs. Pour un orateur honnête, il est plus convenable de faire paraître ses qualités morales que l’exactitude de ses expressions.

XIII. Parmi les enthymèmes, ceux qui tendent à réfuter sont plus goûtés que ceux qui tendent à démontrer, vu que tous ceux qui établissent une réfutation rentrent mieux, évidemment, dans les conditions du syllogisme, car le rapprochement des contraires rend ceux-ci plus saisissables.

XIV. Les arguments qui s’attaquent à l’adversaire ne sont pas d’une autre espèce que de celle des preuves ; destinés qu’ils sont à détruire son opinion les uns au moyen d’une objection, les autres au moyen d’un syllogisme. Or, soit dans une délibération, soit dans un procès, si l’on parle le premier, il faut d’abord exposer ses preuves[1], puis répondre aux arguments contraires, soit qu’on les détruise, ou qu’on les prévienne pour les combattre. Si la contradiction donne prise de plusieurs côtés, aborder en premier les raisons contraires, comme le fit Callistrate dans l’assemblée des Messéniens, car il renversa d’avance ce qu’ils auraient pu dire ; puis, cela fait, il s’y prit de cette manière pour produire ses propres raisons.

XV. Si l’on parle le second, il faut d’abord répondre au discours de l’adversaire en détruisant ses arguments et les retournant contre lui ; et cela, surtout

  1. C’est-à-dire les preuves justifiant sa propre opinion ou sa propre conduite.