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poètes ; aussi, nous l’avons déjà dit[1], Homère paraît, à cet égard, un poète divin, incomparable, n’entreprenant pas de mettre en poésie toute la guerre (de Troie), bien qu’elle ait eu un commencement et une fin ; car elle devait être trop étendue et difficile à saisir dans son ensemble et, tout en lui donnant une étendue médiocre, il en faisait une guerre trop chargée d’incidents variés. Au lieu de cela, il en détache une partie et recourt à plusieurs épisodes, tels que le catalogue des vaisseaux et d’autres, sur lesquels il étale sa poésie.

IV. Les autres font rouler leur poème sur un seul héros, dans les limites d’une époque unique ; mais l’action unique qui en fait le fond se divise en parties nombreuses. Tels les poètes qui ont composé l’Épopée de Chypre et la petite Iliade. Aussi l’Iliade, l’Odyssée, servent chacune de texte à une ou deux tragédies, l’Épopée de Chypre à un grand nombre, la petite Iliade à huit, et même plus : le Jugement des armes, Philoctète, Néoptolème, Eurypyle, le Mendiant, les Lacédémoniens et la prise de Troie, le Départ de la flotte, Sinon et les Troyennes.


CHAPITRE XXIV


Comparaison de l’épopée avec la tragédie. — Nombreux mérites d’Homère.


I. Il y a nécessairement autant d’espèces d’épopée que de tragédie ; car elle est nécessairement simple, complexe, morale ou pathétique. Elle a autant de parties, à part la mélopée et la mise en scène, car elle demande

  1. Chap. VIII, § 2.