Page:Aristote - Politique, Thurot, 1824.djvu/55

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affecter des êtres capables de jouir et de souffrir comme nous. L’action de la première de ces deux forces est constante chez tous les hommes, et a une énergie prédominante chez le plus grand nombre d’entre eux ; l’action de la seconde est plus ou moins intermittente, s’il le faut ainsi dire, chez tous, et il n’est donné qu’à un petit nombre d’ames privilégiées de l’éprouver dans son plus haut degré d’énergie.

Cependant, quelle que soit l’illégalité que la nature a mise entre les hommes, quelle que soit la supériorité. qu’elle semble avoir accordée à certains individus sur d’autres, la force purement individuelle, en quelque genre que ce soit, est toujours renfermée dans des limites fort étroites ; elle a besoin, pour s’accroître et se développer, du concours d’autres forces analogues. C’est-à-dire, qu’elle ne peut recevoir son complément que de l’état de société, qui est une des conditions de l’existence de l’espèce humaine, et un fait de la nature, aussi-bien que l’inégalité entre les individus. Car il est évident que si le sort de la race humaine avait pu être exclusivement livré aux chances résultantes de l’inégalité naturelle, les forts auraient bientôt détruit les faibles, et n’auraient pas tardé à être détruits eux-mêmes par les habiles, qui auraient fini par se détruire les uns les autres. ljv