Page:Aristote Metaphysique 1840 2.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’infini ne saurait avoir une existence indépendante, être quelque chose par lui-même, et en même temps être un objet sensible. En effet, s’il n’est ni une grandeur, ni une chose multiple, s’il est l’infini substantiellement et non pas accidentellement, il doit être indivisible, tout divisible étant ou une grandeur, ou une multitude. Mais s’il est indivisible, il n’est pas infini, si ce n’est au même titre que le son est invisible. Or, ce n’est jamais de cet infini qu’on parle, ce n’est pas de celui-là que nous nous occupons ; c’est de l’infini sans limite. Comment d’ailleurs est-il possible que l’infini existe en soi, quand le nombre et la grandeur, dont l’infini n’est qu’un mode, n’existent pas en eux-mêmes ? Du reste, si l’infini est accidentel, il ne saurait être, en tant qu’infini, l’élément des êtres ; pas plus que l’invisible n’est l’élément du langage, nonobstant l’invisibilité du son. Enfin, l’infini ne peut évidemment exister en acte, car alors toute partie quelconque prise dans l’infini serait elle-même infinie, y ayant identité entre l’essence de l’infini et l’infini, si l’infini a une existence substantielle, et n’est point l’attribut d’un sujet. L’infini sera donc ou bien indivisible, ou bien divisible, susceptible d’être partagé en infinis. Or, un grand nombre d’infinis ne peuvent être le même infini, car l’infini serait une partie de l’infini, comme l’air est une partie de l’air, si l’infini était une essence et un principe[1]. L’infini ne peut

  1. Ajoutez, pour compléter le raisonnement : Il y aurait donc égalité entre le tout et la partie ; or, cela est impossible : la partie est plus grande que le tout.