Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/166

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Elle vient pour toujours vous faire reposer.
Pour toi, ne recueillant, parmi la race humaine,
Qu’une pitié stérile, ou l’envie ou la haine,
Puni de tes bienfaits, trahi par des ingrats,
Lassé de vivre enfin tu me rappelleras :
Je serai sourde alors. D’une main forcenée
Tu voudrais vainement trancher ta destinée.
Tu ne peux de tes jours user le noir flambeau,
Ni violer sans moi l’asile du tombeau.
Tes amis, plus heureux, sans peine y vont descendre ;
Tu demeureras seul pour pleurer sur leur cendre.
Tu te plains aujourd’hui que j’arrive à grands pas,
Tu te plaindras bien plus que je n’arrive pas,
Quand sur un lit fatal, cloué sans espérance,
Trouvant dans chaque instant des siècles de souffrance,
Ne pouvant à la fois ni vivre, ni mourir,
Tu ne verras que moi prête à te secourir.
Cependant, au-delà d’une vie inquiète,
Ta curiosité, que j’aurais satisfaite,
S’élancera sans fruit dans l’abîme des temps ;
Tu ne pourras sonder ces secrets tourmentans,
De l’immortalité problèmes redoutables,
Et de l’esprit humain écueils inévitables.
Par moi, ce grand mystère à l’homme est révélé ;
Des énigmes du ciel, c’est moi qui tient la clé.
Loin de fermer vos yeux c’est la mort qui les ouvre.
Garde donc sur les tiens le bandeau qui les couvre.
De chimère en chimère et d’erreur en erreur,
Va te désabuser de la fausse terreur :
Épuise les dégoûts attachés à ton être.
A tes dépens, mortel, apprends à me connaître.
Je l’amenais au port, tu n’y veux pas entrer.
Comme un dernier espoir tu pourras m’implorer ;
Mais je te laisserai boire jusqu’à la lie,
Le poison qui remplit la coupe de la vie. »