Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/104

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il arrive à Patrix de rêver qu’il est inhumé « côte à côte d’un pauvre », à qui il crie :

Va pourrir loin d’ici !

et le pauvre lui répond avec une tragique simplicité :

Ici tous sont égaux ; je ne te dois plus rien :
je suis sur mon fumier comme toi sur le tien.

Bossuet, quarante ans plus tard, sera-t-il beaucoup plus éloquent pour enseigner aux grands de ce monde la vanité de la grandeur ? Sur ce point plus que sur tout autre, l’éloquence sacrée a pris la suite de la poésie lyrique.

Il est en somme de plus grands lyriques que Malherbe ; il en est surtout de plus imprévus, de plus imagés, de plus fantaisistes, et son lyrisme n’évoque nullement, comme certains autres, l’allure capricieuse d’un torrent, qui bondit, se brise, écume, et s’arrête pour s’élancer à nouveau ; mais il rappelle plutôt un beau fleuve calme, dont le lit, loin d’avoir été abandonné aux caprices de la nature, fut diligemment corrigé et canalisé par un laborieux ingénieur, et qui, suivant une pente exacte et comme mathématique, plaît, sans éblouir, par son large mouvement continu.