Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/191

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dame de ses pensées, selon l’habitude des poètes d’alors, qui en avaient hérité des chevaliers du moyen âge. Il en parlait souvent à Malherbe, qui se trouvait également dépourvu, depuis qu’il avait rossé de sa main sa Caliste, la vicomtesse d’Auchy. Un jour les deux poètes s’avertissent mutuellement qu’ils ont trouvé : Malherbe adorera en vers Catherine de Rambouillet, qui préside si délicatement son illustre salon ; Racan se fera le servant de Catherine de Termes, une Bourguignonne très jeune, très belle, assez coquette, aux yeux clairs, à l’esprit vif et cultivé, qui chante d’une voix harmonieuse et joue du luth, l’instrument dont notre poète touche lui-même un peu : elle est, depuis 1615, la femme du marquis de Termes, du brillant gentilhomme qui a inspiré la Venue du Printemps.

Ces deux grandes dames se nomment Catherine, et nos deux amis se mettent à retourner le nom dans tous les sens, car il faut à toute force trouver un anagramme dans la société précieuse qu’ils fréquentent à cette époque. Ils finissent par trouver Arthénice, et chacun de courir le déposer aux pieds de sa belle. Racan fit mieux : il se hâta de se l’approprier en l’employant dans des vers de ballets, qui furent chantés à la cour. Il était bien trop sincère pour ne se pas prendre lui-même à ce jeu d’esprit ; il « changea bientôt, nous dit-il, son amour poétique en une véritable » et en fournit un témoignage éclatant : soulevant sa paresse en un immense effort, il composa, en l’honneur