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Silène

Ma fille, à quelle fin
voulez-vous aujourd’hui vous lever si matin ?
Le soleil n’a pas bu l’égail de la prairie :
cela mettra le mal en votre bergerie.


Arthénice

Notre chien qui rêvait de moment en moment
au loup que son penser lui forgeait en dormant,
d’un véritable loup m’a fait naître la crainte.


Silène

… Je sais ce qui vous met la puce dans l’oreille :
je vis hier ici le loup qui vous réveille ;
mais, sitôt qu’il me vit, il rebroussa ses pas,
fâché d’avoir trouvé ce qu’il ne cherchait pas…
Oubliez, oubliez l’amour de ce berger,
et prenez en son lieu quelque bon ménager
de qui la façon mâle, à vos yeux moins gentille,
témoigne un esprit mûr à régir sa famille,
et dont la main robuste au métier de Cérès
fasse ployer le soc en fendant les guérets.

Désespérée parce qu’on lui a fait accroire que son berger lui est infidèle, Arthénice se retire en une maison de « vestales », toute parfumée, malgré le pseudonyme païen, de la poésie de saint François de Sales, qui vient de publier son Introduction à la vie dévote. Mais tout s’explique, le mariage est résolu, et Silène, gagné par le bonheur des jeunes gens, entraîne tout le monde, avec verve, à la noce champêtre :

 
Sus donc, mes chers enfants, qu’aux noces l’on s’apprête ;
je veux dés à ce soir en commencer la fête…
Venez dîner chez moi. Vous n’y trouverez pas
ces mets servis par ordre aux superbes repas ;
mais ce qui se pourra, selon ma pauvreté,
d’un cœur libre et sans fard vous sera présenté.