Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/225

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Sans doute les Stances sont teintées de mélancolie, de celle qui vient des déceptions personnelles du jeune poète, mais sous cette apparence se révèle à nous, bien au fond, le contentement vrai et simple de celui qui revient à la vérité de la vie.

Dans l’existence rustique, Racan observe simplement ce qui est, et il dit ce qu’il observe. Il aime à y voir l’homme largement payé de ses peines, à le suivre dans ses heures de détente honnête et joyeuse. Il y a chez lui moins d’inquiétude, moins d’infinie tendresse que chez Virgile. Il y a en revanche plus de simplicité, une conscience plus sereine et plus alerte, plus de naïveté vraie et de santé.

Racan a imité aussi Horace, son autre poète latin de prédilection, ou, pour mieux dire, il a rencontré chez lui des moyens d’expression pour son inspiration personnelle, et dans les vers de son devancier romain il a pris en quelque sorte conscience de ses propres sentiments.

Les traces de cette imitation originale ne sont point rares. En veut-on un exemple ? Racan a depuis longtemps l’âme impressionnée par les catastrophes des rois, des grands et des ministres qu’il voit de si près, par les assassinats de son oncle, de Henri IV et de Goncini, par la disgrâce du comte de Rellegarde et tant d’autres coups s’abattant sur les têtes les plus hautes, et dans le même temps il lit l’ode d’Horace à Licinius et ces vers qui s’appliquent d’une manière si frappante aux temps dramatiques que lui-même traverse :