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QUELQUES POÈTES

et le maître en convient de bonne grâce. L’amour d’Horace pour les champs est un amour qui ne vient guère que des nerfs, celui de Racan vient vraiment de son cœur ; voilà l’abîme qui les sépare, et le modeste poète français mérite d’être salué comme l’un des écrivains infiniment rares qui ont été de vrais amoureux de la campagne. La meilleure preuve d’ailleurs est dans les actes : beaucoup comme Horace consacrent bien à la campagne quatre ou cinq jours de suite (c’était sa mesure ordinaire) : Racan lui a donné 40 ans de sa vie.

Ce que notre poète a trouvé surtout chez Horace, et varié à l’infini dans les Odes et dans les Epîtres, c’est l’idée qui le hante lui-même à présent, à savoir que le bonheur n’est pas dans le pouvoir ou dans le luxe, ni dans l’agitation et la poursuite fiévreuse d’un but lointain. Ainsi, pour le philosophe latin, de toutes les existences qui l’entourent, celle qui lui paraît la plus opposée à la vraie sagesse, est celle du marin marchand qui affronte mille périls pour courir après les richesses, et il ne lui ménage pas la pitié méprisante. Nous en retrouvons un écho direct dans ces trois vers de Racan qui, eux, trahissent clairement l’imitation :

 
Il ne va point fouiller aux terres inconnues,
à la merci du vent et des ondes chenues,
ce que Nature avare a caché de trésors,

mais la stance se relève aussitôt par un accent tout